jeudi 9 septembre 2010

Le Jeu de Rôle au Japon, 2ème Partie : Soubrettes, Katanas et Ninjas

Maintenant qu'on a plus ou moins la même idée du rôliste japonais et de ses habitudes*, voici la poignée de jdr nippons dont j'ai entendu parler dans le détail. Laissez-moi vous présenter des univers de jeu où vous allez incarner des soubrettes, des samourais de l'espace ou des ninjas goths.



Aimez-vous les soubrettes ?
Maid RPG vous propose d'incarner des soubrettes de choc dans un monde improbable. Les aventures consistent à concilier votre métier de soubrette et votre double-vie, car en plus de servir le thé et d'aller faire les courses pour votre patron, vous êtes membre d'un clan yakuza, ou une cyborg, ou une ninja, ou une démonette...

Maintenant, il va falloir convaincre les joueurs de jouer ça.

Comme je l'ai dit, les otaku rôlistes n'ont pas beaucoup de temps à consacrer à leurs parties. Maid est conçu pour aller vite : on tire le personnage aux dés, les règles sont simples, les scénarios se conçoivent en cinq minutes, il y a plein de tables pour tirer des événements débiles et une partie se joue en une heure max.

Ca, les Japonais, ils kiffent, les tables aléatoires. Et mine de rien, ils y ont tout compris : ils s'en servent comme source d'inspiration quand le temps presse et s'amusent à remplir les trous des résultats les plus improbables pour inventer une histoire qui tient un peu la route. Quand on a pas trop le temps de préparer ses parties, finalement, une bonne table aléatoire ça peut sauver une soirée.

Bref. Le jeu est dispo en Anglais. C'est pour l'instant le seul jeu de rôle nippon traduit dans une langue occidentale (le premier jdr japonais traduit l'a été en Coréen). Néanmoins, un autre jeu est en cours de traduction, depuis près de six ans, par une petite bande de courageux menée par Andy Kitowski, c'est Tenra Bansho Zero.

Zatoïchi dans les Etoiles
Le Sengoku-jidai, littéralement l'âge des provinces en guerre, est une époque de l'histoire japonaise durant laquelle la merde frappe le ventilateur, comme disent les amerloques. L'archipel est surdivisées, chaque chef de guerre du coin a sa dynastie, ses territoires et ses richesses, et tout le monde se regarde de travers en attendant une bonne excuse pour aller pêter la gueule à son voisin et lui piquer ses trucs sans que ça dégénère. C'est plein de samourais, de ninjas, de shoguns et autres joyeusetés du genre, bref : une époque idéale pour y rôler pépère.

Imaginez tout ça dans l'espace, avec une ambiance entre Warhammer 40K et Dune, et vous avez une idée du contexte de Tenra Bansho Zero, qui devrait bien sortir un jour en Anglais. On y trouve des samourais avec des gemmes magiques implantées dans le corps qui leur font pousser les muscles, des gosses qui pilotent des robots géants, des épées monstrueuses avec un barillet de flingue dans la garde, des invocations qui peuvent se retourner contre vous et devenir le méchant de l'histoire, j'en passe et des meilleures.


Les grosses latasses de l'espace, fig. 1


Si Maid est bref, Tenra Bansho Zero est intense. Les règles provoquent naturellement des rebondissements mélodramatiques comme votre village massacré par le méchant, ou l'adversaire au visage voilé est en fait votre frère disparu, ce genre de choses. Le découpage est nerveux : on joue en une scène un scénario entier et il se passe autant de trucs en une grosse séance que durant une petite campagne de Donj'.

Là aussi, tables aléatoires. Quand on invoque un truc, on sait jamais vraiment ce qu'on va avoir, par exemple, mais c'est pas trop grave, parce que c'est toujours utile. La meilleure des tables du bazar, c'est la table de Réaction : quand on héros rencontre quelqu'un d'important pour la première fois, on tire les dés pour voir comment ils se sentent. Est-ce qu'on s'admire ? Ou alors on se hait ? Ou bien on s'aime ? Le joueur peut "tilter" la réaction dans un sens ou l'autre mais c'est toujours imprévu, et donc toujours drôle : le garde du corps peut détester la jeune princesse qu'il protège, ou le grand méchant peut tomber sous le charme de la pilote d'armure prépubère... Y'a aussi un système de points de destin qui, si on les laisse traîner, peuvent vous pêter à la gueule et, à la fin de chaque chapitre, une petite bande dessinée qui résume les points de règles.

Le jeu est en cours de traduction et au moment où je vous parle, il devrait sortir dans l'année (hum, bon). Plus de détails sur le blog du traducteur principal.

Ninjas ! Fuck Yeah !
Dans les années '90 naquit le Monde des Ténèbres™ (oui oui, avec les majuscules et le ™), une gamme de jdr qui se passe dans notre monde à nous, mais goth : y'a des vampires, pis les loups-garous, tout ça. Ca se prenait horriblement au sérieux malgré le côté grand-guignolesque de la chose.

Le Japon n'a pas tardé à pondre sa déclinaison, Shinobigami, approximativement "le dieu des ninjas" ou un truc comme ça. Pareil, c'est notre monde à nous, mais ninja : il y a six clans qui se livrent une guerre secrète et ça rebondit dans tous les sens. Chaque clan est bien caricatural, aime bien certains clans ou en déteste d'autres, a ses propres techniques super-secrètes...

Comme pour Tenra Bansho Zero, l'accent est mis sur le mélo de bazar avec des amours impossibles, des secrets et des trahisons. Le jeu est bâti pour que chaque scène se termine sur un climax et que chaque climax soit plus intense que le précédent. Le système d'initiative permet aux personnages d'agir à la vitesse de la pensée, voire de la lumière. Les bastons sont épiques, les personnages plus grand que nature et le jeu a l'air particulièrement intense.

Shinobigami, it's kinda like that.

Chose marrante, la moitié du bouquin de base est consacrée à ce que les otaku du d20 appellent un replay, c'est-à-dire un compte-rendu de partie écrite comme un script. Vous savez, les exemples de jeu qu'on trouve dans les bouquins occidentaux, sous forme de dialogues, comme dans Nobilis, Ambre ou l'Appel de Cthulhu ? Ben c'est ça, mais toute une partie, de la création de personnage à la grosse baston finale. Ca pose un peu le jeu, ça permet de le voir en marche et on comprend mieux les règles après. Sachez que c'est super à la mode dans l'Archipel, et qu'on trouve même des suppléments uniquement consacrés à ça.

Manque de bol, c'est à peu près tout ce que j'en sais, de Shinobigami, puisqu'il n'est pas traduit et visiblement, personne ne compte le faire. Dommage, parce que ces histoires de ninjas mélodramatiques qui se frittent à la vitesse de la lumière en utilisant des techniques secrètes et en versant de grosses larmes sur leur amours perdues, je sais pas vous mais moi ça me file une gaule d'enfer.

En Conclusion
Perso, j'ai toujours un peu l'impression qu'une partie de jdr, c'est six heures de jeu pour une demi-heure de fun. Le jdr japonais a l'air de couper à la serpe dans l'inutile et d'essayer de rentabiliser à mort le temps de jeu. Je suis pour. Je feuillette Maid avec plaisir, j'attends avec impatience Tenra Bansho Zero et peut-être, qui sait, une hypothétique traduction de Shinobigami...

* Avertissement général : le Responsable ne promet pas une adéquation parfaite entre sa vision des choses et les choses telles qu'elles sont. Offre non remboursable. Disponible dans la limite des stocks.

2 commentaires:

Alias a dit…

Petite question limite vicelarde: ton article est super intéressant, mais j'aimerais savoir si tu te bases sur ton expérience personnelle ou sur des compte-rendus d'autres personnes?

Le Responsable a dit…

Non mais question totalement légitime mon cher helvète. C'est un subtil mélange de lecture (Maid, TBZ), de discussions que j'ai eu avec des gens qui, eux, ont joué au Japon et d'informations que j'ai tirées de mon_cul# de forums divers.

C'est surtout une grosse excuse pour parler de Tenra Bansho Zero et de Shinobigami parce que ceusses-là, ils m'excitent assez.