mercredi 11 mars 2009

5 POINTS FORTS DE WATCHMEN, LE LIVRE - TROISIEME SERVICE

3. Aucun élément du récit n'est là par hasard
Vous vous rappelez la citation de Jon, dans le premier chapitre? Eh bien, c'est le cas: chaque facette contient des éléments de toutes les autres, et Watchmen est bien un joyau. Si, à la première lecture, on passe facilement à côté de cet aspect-là, une relecture permet de repérer les indices que Moore donne dès les premières pages.


De cette façon, rien dans cette intrigue tortueuse - on parle d'une conspiration à l'échelle du monde - ne semble venir de nulle part. Quand on cite une compagnie de transport à la page 234, soyez sûr qu'on a vu des camions au logo de cette compagnie dès les premières pages.



Vérifiez, rien n'est gratuit. Le moindre personnage secondaire, la moindre annecdote, la moindre réplique, le moindre motif graphique a un sens dans le cadre du récit. Jusqu'aux sucres de Dan ou le fait que Laurie fume comme une cheminée.

C'est un peu le principe baudrillardien d'hyperréalité: cette idée de concevoir un monde fictionnel avec plus de détails qu'on en remarque. Sauf qu'ici, on a aussi une hypersémiose: chacun de ces éléments a un sens, est lié à un autre élément, le tout faisant du roman graphique une longue chaîne d'analogie verbale et visuelle compacte comme... un noeud gordien.

Un exemple concret: après deux pages de récit, Moore a déjà posé des indices à l'arrière plan qui appuie deux des gros mystères du livre: l'identité de Rorschach et celle de l'assassin du comédien. Ils sont discrets et indirects, mais quand cent pages plus loin vous commencez à avoir des doutes et revenez en arrière, je vous l'assure, l'effet est décoiffant.

Un autre: lisez l'inscription au mur page 68, et dites-m'en des nouvelles.

Ce que Snyder a raté: le piège est double. D'un côté, Snyder a respecté certains détails scrupuleusement alors que les changements dans l'intrigue les rendait orphelins - notamment cette pauvre Boubastis, le lynx transgénique de Veidt, qui arrive hors de nulle part et ne sert plus à rien dans l'intrigue à part respecter graphiquement une des cases de la bédé, la recherche génétique n'est plus utile pour l'intrigue du film.

De l'autre versant, le moindre changement apporté à l'histoire provoque des réactions en chaîne qui invalident ou chamboulent le sens de l'intrigue tout entière. Certains dialogues, notamment l'échange entre Veidt et Jon à la fin du volume, sont mis dans la bouche d'autres personnages, les rendant caduques. Alors que dans la bédé, Adrian demande approbation de la part de Manhattan, qui lui répond que rien ne finit jamais, dans le film c'est Laurie qui prononce la réplique, lui ôtant un poids symbolique et thématique.

2 commentaires:

Dim's the pims a dit…

Intéressant l'idée d'"hypersemiose". Pour moi cela renvoi à une conception de l'œuvre d'art comme monde clos reflet d'un univers-horloge qu'une super intelligence (doc Manathan n'est il pas à l'échelle macro ce que Moore est à l'échelle de sa bd?)pourrait entièrement déchiffrer.

On est loin ici d'une approche post-moderniste centrée sur la difficulté à établir des hiérarchies, l'absurde, le non-fini, la multiplicité sans fin des points de vues etc. Vision du monde qui dans le domaine artistique peut donner de veritables perles (roberto bolano en littérature, southland tales au cinéma)mais sert malheureusement trop souvent de triste paravent au manque de talent et de point de vue(les films de soderbergh ou de Lelouch).

Alan Moore c'est quasiment un gnostique du moyen-âge, un alchimiste qui à force d'opération de décantation obtient la pierre philosophale. Dans le genre génie obsessionnel créateur d'œuvres "hypersemiotiques" je ne vois guère que des réalisateurs de la trempe d'un Hitchcock ou d'un Kubrick comme équivalent au cinéma. J'ose à peine imaginer le résultat de dingue que cela aurait donné si le dernier cité nous avait pondu un Watchmen comme dernier film... (peu probable car il choisissait toujours des livres moyens pour les porter aux cimes jamais des déjà chef d'œuvres.)

Dans les réalisateurs actuels, qui aurait pu avoir la rigueur et la vision créatrice de grand horloger suffisante pour nous offrir le Watchmen définitif que le responsable de ce blog semblait espérer sans trop y croire?
Certainement pas un bon petit graphiste/publiciste comme Zack Snyder (300 c'est pas Spartacus hein!) Robert Rodriguez? pfff non c'est pour rire. En fait je ne vois que James Gray (au fond son univers pourrait très bien convenir à une histoire de super héros, jour/nuit, bien/mal etc.)ou... Peter Jackson? mwouais bof j'me mefie de celui la.

Le Responsable a dit…

Aronofsky a été un temps associé au projet et il aurait pu je pense développer un truc bien compact et bien dense. Mais le gamin est un éternel romantique, et je ne suis pas sûr que ça soit une valeur ajoutée avec une histoire comme Watchmen.

Non, mon réalisateur de rêve pour Watchmen c'était Kubrick, mais avec la taille du matériau de base et le rythme habituel des films du gars, on aurait eu une trilogie de 3h par film.

Pour le coup d'Alan Moore, gnostique du moyen-âge, je pense que tu dois être au courant de ses activités annexes : Moore pratique la sorcellerie. Plus précisément, il vénère Glaucon, un dieu-serpent qui avait déjà à l'époque romaine été qualifié comme hoax par les mythbusters de l'époque.