vendredi 23 avril 2010

BITCH SLAP

Dans les années 60 et 70 sévissait un étrange personnage : Russ Meyer. Réalisateur indépendant originaire de Californie, il a construit toute sa carrière sur des sujets forts : l'opposition homme-femme et les formes affriolantes. La guerre des sexes et les poitrines de ses actrices sont les deux mamelles de son oeuvre, et je n'ai jamais utilisé cette tournure autant à propos.

Son cinéma est un curieux mélange de « sexploitation », un genre cinématographique qui fait ses entrées en racolant le public mâle avec des actrices affolantes placées dans des situations qui tiennent moins de Shakespeare que du catalogue de fantasmes masculins, et de films à message franchement féministe, mettant en avant l'oppression de la femme par le mâle dominant et glorifiant l'émancipation du sexe dit faible par la violence et la manipulation.

Pourquoi je vous parle d'un dangereux tordu qui bricolait des films de petit circuit il y a un demi-siècle ? Parce qu'il a une influence plus importante qu'on ne le croit dans le cinéma américain, figurez-vous. Et pas seulement chez des réalisateurs connus pour leur amour du cinéma bis, comme le tandem Tarrantino-Rodriguez ou Christophe Gans. Des grosses productions hollywoodiennes comme Charlie's Angels aux adapations vidéoludiques direct-to-DVD comme DOA : Dead Or Alive, s'ils ne sont pas de francs délires érotico-violents comme seul Meyer savait en faire, portent clairement sa marque.

Rien d'étonnant à ça : des films comme Up! ou Faster Pussycat, Kill Kill ! , avec leur discours sincèrement féministe mis en forme par une caméra libidineuse au possible, au-delà de leur beauté formelle et de leur rythme effréné, ont un attrait paradoxal qui fascine et provoque la discussion. Pas si étonnant que ça quand on connaît ses amis : le scénariste de ses meilleurs métrages n'est autre que Roger Ebert, une mienne icône et sûrement le critique cinéma le plus influent des States. Pour comparer, imaginez Hughes Dayez ou Antoine de Baecque écrire un script rempli de gros guns et de miches à l'air, et vous saisirez assez bien l'idée.

Bitch Slap fait incontestablement partie de cette longue lignée de rejetons. Si le Roberto Rodriguez d'y il a quelques années, celui qui courait après ses budgets et tournait tout dans sa cave, était tombé sur le script perdu de Russ Meyer et avait décidé de tourner l'affaire avec ses potes, ça ne ressemblerait à rien d'autre qu'à ça : trois poulettes au physique typé et aux formes atomiques se retrouvent perdues dans le désert.

Comment se sont-elles retrouvées là ? Réponse avec un peu moins de deux heures de flash-backs successifs composés de situations abracadabrantes qui ont pour double objectif d'épaissir l'intrigue à coups de rebondissements hors-normes et d'exploser les braguettes du public concerné. Jugez plutôt : strip-tease, combat de femmes dans la boue, scènes de prison de femmes, fusillades entre bombasses, histoires de couvent, écolières japonaises violentes et psychotiques, agents secrets de charme... Faites la liste des thèmes habituels de la sexploitation : ils sont tous là. Pourquoi choisir quand on peut tout faire ?

Etonnamment, le résultat a beau être cheap, il est efficace. Difficile de lâcher l'intrigue qui, malgré son univers de série Z parfaitement assumé et ses détours hallucinants, reste surprenante et rythmée jusqu'au bout. Le casting se prend juste assez au sérieux pour que ça marche, mais n'oublie pas d'en faire des brouettes dès que l'occasion se présente. Les effets spéciaux n'ont pas dû coûter grand chose et sont plutôt ratés, mais ils mettent en scène des situations tellement grandioses et improbables que la pilule passe, dans la grande tradition des maquettes ringardes et des fonds bleus foirés de l'âge d'or de la série B. Et surtout, pour un film dont les deux principales attractions sont les explosions et les énormes décolletés des héroïnes, il passe haut la main le test de Bechdel quant à la bonne écriture d'un personnage féminin : les héroïnes du film ont des scènes entières où 1) parlent entre elles 2) d'autre chose que d'hommes. Pensez-y : ce n'est pas si fréquent.

Et vous ne l'avez pas vu, parce qu'il vient de sortir, que ses acteurs les plus connus sont Kevin Sorbo et Lucy Lawless, que vous connaissez mieux sous les sobriquets respectifs d'Hercule et Xena, et que ce n'est pas une fausse série B à la Planète Terreur, qui se veut cheap mais jouit d'un budget confortable et d'une distribution digne d'un chaîne de logistique de l'armée russe. Non, eux, les sous, ils ne les ont pas. Alors si vous aimez les délires pulp, les fortes poitrines, les femmes d'action et la violence invraisemblable des VHS italiennes des années 80, donnez un peu des vôtres et choppez le DVD quand vous le verrez passer. Vous ne pourrez pas le rater, il y a trois bombasses court vêtues avec des gros flingues sur la pochette. Et peut-être même un katana.

*soixante-dix pour nos amis Sarkoziens

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