mardi 27 avril 2010

L'Espace Heim-Dröscher, ou Mars en 100 Heures de Route

Caveat : n'étant ni historien, ni physicien, il y a de grandes chances que les faits rapportés ci-dessous ne correspondent pas exactement à ce qui est communément raconté dans les livres officiels. La version la plus correcte est, comme à l'habitude, celle qui vous amuse le plus.

Si je vous dis qu'un Allemand aveugle, sourd et manchot a inventé la propulsion hyperluminique dans une cabane en bois, autour des années 50, vous allez encore me dire que j'invente. Et pourtant, ce n'est pas le début du roman de space fantasy qui me rendra riche et célèbre que je vous raconte céans, mais bien la découverte de l'espace Heim-Droscher, qui mettrait Mars à une petite centaine d'heures de vol de la Terre. Ai-je votre attention ?


Bruckhard Heim, le manchot des bois
Allemagne, 1943. Un jeune homme de 17 ans, Burkhard Heim, passionné de physique, rencontre Werner Heisenberg, papa de la physique quantique moderne alors occupé à inventer la bombe à hydrogène. Le gamin glisse à l'oreille d'Heisenberg l'idée d'un détonateur chimique pour la bombe à hydrogène avant de partir à la guerre. Malheureusement, un stupide accident d'explosif le renvoie au pays avec deux oreilles, deux mains et une grosse partie de sa vue en moins. A l'époque, l'armée savait s'amuser.

De retour au pays, Heim ne se décourage pas. Il se lance dans les études et, avec l'aide de quelques camarade, décroche un doctorat en physique et quelques maîtrises çà et là, pour rester en forme. De retour à la vie active, il s'intéresse de près à la théorie de la relativité générale mais trouve qu'Einstein fait un peu trop son intéressant. Il décide de retranscrire les équations relativistes de tonton Albert pour coller à la physique quantique. Et si on interprète ces équations d'une certaine manière, les quatres forces fondamentales – l'électromagnétisme, les interactions faibles et fortes et la gravité – ne sont pas des « forces » en soi, mais les effets secondaires d'un truc qui se passe dans une sorte de super-univers à huit dimensions englobant le nôtre.

Ca n'a l'air de rien, mais ça pourrait réunifier la physique moderne.

Malheureusement, notre ami Burkhard n'est plus très droit dans sa tête, et a une peur panique des plagiaires. Il développe sa théorie tout seul dans la maison de chasse de la famille, perdu au fond des bois, et quand il sort enfin de sa retraite pour présenter ses théories, on l'accueille avec un sourire poli mais un peu gêné. Vérifier ses théories voudrait dire changer totalement le cadre de recherche des gens qui s'en occuperaient, apprendre une nouvelle physique vachement plus compliquée notamment, et pour le seul plaisir de pouvoir lire du Heim. Néanmoins, des gens comme Werner von Braun – à l'origine des fusées modernes – s'intéressent au bonhomme et fait parler de ses travaux à gauche et à droite, générant un certain buzz.

Mais Burkhard Heim est un gros timide et être sous le feu de la rampe le stresse un peu. Il retourne bien vite dans sa cabane en bois, et ses théories – qui pourtant préfigurent les pistes modernes d'unification du quantique et du relatif général – tombent peu à peu dans l'oubli.

Petit apparté : Plank et Einstein ne dansent pas ensemble.
On m'apprend en régie que tout le monde ne kiffe pas la guerre occulte que se livrent les relativistes et les quantiques dans les coulisses des facultés de physique. Okay, petit topo à la grosse louche.

La relativité générale parle de gravité. Elle explique ce qui se passe à très, très grande échelle. Vous avez sûrement déjà entendu le truc dans Star Trek : imaginez que l'espace soit une feuille de caoutchouc tendue et que les planètes soient des boules de métal plus ou moins lourdes. Si vous posez une grosse boule de métal sur la feuille, elle va la déformer et faire rouler les autres boules plus petites vers le puits ainsi formé. Et bien voilà, c'est ce qu'on entend par « courbure du continuum espace-temps » et « puits gravitationnels », félicitation, enseigne Chekov.

La mécanique quantique, elle, parle de tout le reste : l'électromagnétisme et les interactions fortes et faibles entre les petits bitoniots qui composent les atomes, et part du principe qu'il se passe plein de trucs bizarres à ce niveau qui sont vachement difficiles à regarder. Bah oui, c'est tellement petit que juste jeter un oeil fout le bordel dans les particules et qu'on n'y retrouve plus ses jeunes. Mais au final, ça marche même si on y comprend rien, et surtout, toute cette histoire de grande feuille de caoutchouc avec des boules dessus ne cadre pas du tout, mais alors du tout avec le reste.

Ce qui est con, c'est qu'il s'agit des deux plus grosses révolutions récentes de la physique, qu'elles ont toutes les deux apporté des quintaux d'applications pratiques qu'on utilise tous les jours et qui valident un brin le bazar. Si seulement elles pouvaient s'asseoir à une table et se mettre d'accord, le cosmos serait à notre merci.

De rien.

Walter Dröscher : j'aurais voulu être un Einstein
Dans les années 80, un employé du bureau allemand des dépôts de brevet diplômé en physique, Walter Dröscher s'emmerde ferme et s'il y a bien une chose qu'il vaut ne pas faire, c'est laisser s'emmerder les intellectuels. Parce que ça leur donne des idées. Et l'idée de Dröscher, c'est de repasser consciencieusement sur les théories des particules élémentaires de Heim et vérifier en détail s'il ne s'est pas planté quelque part.

Et il en trouve quelques unes, qu'il expose à Heim dans une lettre qui sera la première d'une longue correspondance. Ces échanges enflammés finissent par amener Dröscher vers la cabane en bois du manchot paranoïaque, quelque chose de rare, croyez-moi. Et là, à la lumière du feu ouvert, la grêle nocturne battant les carreaux nus, étourdi par l'odeur de résine brûlante, la main de Drösher se pose sur la joue de Heim, leurs lèvres se rapprochent lentement...

Pardon. Et là, ils se serrent virilement main et moignon, se servent un café bien serré et se mettent au travail. Après avoir corrigé la moindre erreur trouvée dans les bases de la théorie de Heim, ils finissent ensemble la théorie Heim-Dröscher, un casse-tête pour physiciens qui arrive visiblement à expliquer les bitoniots quantiques à la grande feuille en caoutchouc, ce qui est déjà en soit beau défi. Mais ils vont plus loin et commencent à réfléchir aux applications pratiques de leur théorie dite « à huit dimensions » .

Et là, il se passe un truc dingue. Il découvrent la propulsion superluminique. Oui, comme dans Star Trek, encore une fois.

M. Sulu, vitesse warp 6, s'il vous plaît
Si on reprend vraiment tout depuis le début et qu'on ne se trompe pas, l'espace Heim-Dröscher permettrait de propulser des trucs dans l'espace sans fusée, et sans fuel. Si vous avez tenu jusqu'ici à lire la vie de physiciens inconnus, vous allez sûrement me demander de cracher le morceau. Alors comment ?

La recette Nain / Wok pour aller plus vite que la lumière

1. prenez une énorme anneau magnétique très, très gros et faites-le tourner très, très vite.

2. placez-le au-dessus d'un autre anneau fait de superconducteurs avec beaucoup, beaucoup d'électricité dedans, orienté à 90° par rapport à l'anneau ci-dessus.

3. Poussez le premier dans le second.

4. Et voilà ! Vous venez de générer assez de graviphotons pour que le truc flotte tout seul et, si on le pousse assez fort, pour qu'il file à une vitesse dingue.




A peu près, hein, je n'ai pas fait astrophysique.

Où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?
Nulle part. Avant de balancer de quoi éclairer la Belgique dans un circuit qui coûte de quoi nourrir le Lyban, il faudrait des preuves que Heim et Dröscher n'avaient pas fumé la moquette et malheureusement, les expériences qui valideraient leurs théories coûtent très, très cher. Moins que le gros anneau dans le plus gros encore, mais cher quand même. Néanmoins, le projet de propulsion par espace Heim-Drösher présenté dans ce dossier a reçu en 2005 un prix de la part de l'American Institute of Aeronautics and Astronautics, qui ne compte pas trop pour du beurre, et une cabale de scientifiques cherchent à réhabiliter les théories de Heim auprès de la communauté scientifique. On peut donc garder espoir et se dire que vivre à une époque où un manchot paranoïaque sourd et aveugle peut inventer l'hyperpropulsion dans une cabane au fond des bois, ce n'est quand même pas si mal.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau résumé ! Et drôle en plus ! !

Merci pour l'info.

tkc

Anonyme a dit…

normalement il y a un champ magnétique dans l'histoire