dimanche 9 mai 2010

NextWave, Agents de la H.A.I.N.E.

Qu'est-ce qu'il y a à retenir du Comics américain ? Je ne parle pas des quelques perles qu'on peut trouver à gauche et à droite, non : quand vous demandez à quelqu'un au hasard, dans la rue, à quoi il pense quand vous dites « super-héros », il répond quoi ? Superman, Spider-man, bref : des types en costumes qui prennent la pose, s'insultent, se tapent dessus et après, des trucs explosent.

Et c'est très bien comme ça.

Warren Ellis pense comme moi. Il est Anglais, il écrit des bandes dessinées pour se nourrir et il travaille pour Marvel Comics, la boîte d'édition qui publie, entre autres titres, Spider-Man, Captain America ou les X-Men. Et il aime les trucs qui explosent. Et il en a marre de voir le genre entier devenir un marais boueux où les superhéros se plaignent, ont des crises psychologiques ou se mèlent de politique internationale. Alors que fait-il, Warren Ellis ? Il fait NextWave.



It's like Shakespeare, but with lots more punching
Cinq super-héros ringards quittent leur job avec la voiture de fonction. Le job, c'est agent de la H.A.I.N.E., une organisation antiterroriste en collants. La voiture de fonction, c'est un aéroglisseur supersonique plus grand dedans que dehors. Leur souci, c'est que leur ancienne boîte a été rachetée par une organisation terroriste internationale, la Beyond Corporation™, qui cherche à tester sur le terrain des armes de destruction massive non-conventionnelles comme des chats mutants qui transforment les agents de police moustachus en robot géant, ou un dragon radioactif en slip bleu.


NextWave, les gentils, ont piqué la liste des sites de test et sont bien décidés à faire perdre du profit à la Beyond Corp™. Vu la bande de bras cassés, c'est pas joué d'avance : la team est composée de...

Monica Rambeau ! Elle a été Captain Marvel, elle a été le chef des Avengers et elle ne vous laissera pas l'oublier ! Elle peut se transformer en énergie et faire pêter des trucs !

Aaron Stark, alias Machine Man ! Un robot alcoolique et misanthrope rempli d'accessoires très pratiques ! Et il peut faire pêter des trucs !

Le Captain ! Il a été tous les « Captain quelque-chose » de la Marvel à un moment donné, jure comme un charretier, boit comme un trou, peut voler, cogner très fort et faire pêter des trucs !

Elsa Bloodstone ! Elle chasse les démons, elle a été surentrainée par son père, elle a un gros médaillon qui la rend invincible et un fusil à éléphant qui fait pêter des trucs !

Tabitha Smith, alias Meltdown ! Elle a servi dans la X-Force, elle est blonde, elle est plus superficielle que le chihuahua de Paris Hilton et a le pouvoir mutant de faire pêter des trucs !

A eux cinq, ils forment NEXTWAVE !

NEXTWAVE is in your room, touching your stuff
Alors, pourquoi c'est bien ? Warren Ellis l'explique mieux que moi. Extrait du document original qu'il avait envoyé à la rédaction de Marvel pour les convaincre de donner des sous :

NEXTWAVE ne cherche pas à faire du Développement de Personnage ou des Leçons de Morale ou des Bons Sentiments. Ca consiste à faire rentrer un film de dingue dans 44 pages par mois. Ca parle des trucs fous de l'univers Marvel – le SHIELD, HYDRA, MODOK – à coups d'effets spéciaux sortis du cinéma asiatique et de scènes de destruction absurdes et d'humour tordu et de Grand Spectacle et de trucs qui pêtent et de gens qui se font kicker.

NEXTWAVE soigne l'Amérique en bottant des culs

Et c'est exactement ça. Par tranches de deux fois 22 pages, NextWave déboule sur un site de test, repère le problème et lui explose la face à coups de pelle entre deux gags débiles qui sont autant d'anecdotes absurdes à propos de l'univers Marvel. Les personnages ne changent pas, leur profil psychologique tient sur un post-it mais nom de dieu, que c'est jouissif ! Le rythme est parfait, l'humour est énorme, et par transparence, on devine un amour sans borne pour les histoires de héros masqués. NextWave vous offre quelque chose que le comics américain a oublié depuis des années : du fun, de l'action et du grand spectacle à toute vitesse.

Le graphisme suit, avec un trait unique et maîtrisé qui fait poser ses personnages dans la rue avec de longs manteaux qui flottent au vent, en mélangeant à parts égales un certain sens du grotesque et une volonté d'icônisation très premier degré. Stuart Immonen, le dessinateur, a sûrement pondu pour NextWave les planches les plus folles, les plus enthousiasmantes et les plus débiles de toute l'histoire du comics, voir figure a.

Figure a.

You have been getting insulted by NEXTWAVE.
NextWave, c'est l'histoire de types qui tuent des brocolis humanoïdes à coups de guitare. C'est un méchant qui moud des poussins vivants pour se les envoyer en intraveineuse. C'est des hordes de Stephen Hawkings qui volent et tirent des lasers par les yeux. Et tout ce que je viens de dire est vraiment dessiné quelque part dans le comics.

NextWave, c'est de la coolitude en caisses. A quel point ? Tous les comics Marvel, à peu près, se passent dans un même univers. Le rédac'chef de Marvel, qui n'aimait pas trop NextWave, a décrété que le titre se passait " hors continuité ", comme on dit, qu'il n'aurait pas d'influence sur l'univers en général. Tous les scénaristes ont, eux, décidés de mettre des références à NextWave dans les titres Marvel. NextWave est donc devenu, par la force des choses et contre l'avis de son rédac'chef, une partie du canon de l'univers Marvel. NextWave, c'est cool à ce point.


Fatalement, une série aussi énorme ne pouvait pas durer. Marvel a arrêté la gamme après un an de publication. Mais pas de panique, le « run » a rassemblé une telle horde de fans que Marvel réédite régulièrement le titre en « trade paperback » (de gros volumes reliés). Ils sont dispos en ligne ici et là. Panini Comics, traducteur officiel de Marvel en Europe, a sorti une traduction française disponible sur leur site. Deux volumes, 144 pages chacun, 12€ pièce, tout ça pour la meilleure série de super-héros moderne, c'est cadeau, avouez.

Même si vous ne connaissez rien à l'univers Marvel et que votre culture Comics se résume à regarder des films comme Iron Man et X-Men, allez-y quand même. Même au premier degré, ça reste deux fois cent quarante-quatre pages d'action et d'humour bourrées d'énergie et de bonne humeur.

Je laisse le mot de la fin à l'auteur.

C'est la distillation absolue de tout le genre des super-héros. Pas de scénario, de personnages, d'émotions, rien de tout ça. C'est des gens qui prennent la pose dans la rue sans raison. C'est des gens qui se prennent des coups de latte et après, ils explosent. C'est un pur comic book, et je combattrai quiconque dira le contraire. Et après, il explosera.


3 commentaires:

Alias a dit…

Je suis Alias et j'approuve ce message.

Je suis particulièrement fan de la confrontation avec le zigoto qui confronte les personnages à leurs pires cauchemars, chaque fois avec un style différent.

Le Responsable a dit…

Grand moment. Le pastiche à la Romita est grandiose, et les pages "dilatées" d'Aaron sont de l'or en barre.

Perso, je suis un fan absolu de Dirk Anger. Chacune de ses apparitions me fait crever. "Je me nourris de VIANDE! J'attaque une vache vivante, je mange ce que je veux sur la bête et on enterre les restes dans le Kansas! Pour le HATE!"

Le Responsable a dit…

J'ai envie, parfois, le soir, de mener une partie de NextWave en filant un roster Marvel avec la consigne aux joueurs de prendre chacun un Z-list le plus ringard possible. Des parties d'une heure avec des règles genre Risus, Wushu ou Ghostbusters RPG. On kicke les gens, et ils explosent.