jeudi 17 septembre 2009

T. Gondii (épisode 1)

Tout le monde craint la grippe A(H1N1), les médias relaient les dernières nouvelles sur la pandémie, les gouvernements fourbissent leurs plans d'urgence, et moi, je me gausse. Aucune crise sanitaire au monde ne saura me forcer à regarder l'Abysse comme a pu le faire la terrible révélation que je couche maintenant sur le papier.

En 199X, j'avais connu une brève histoire avec Carole, qui se destinait à l'époque à un doctorat de virologie. Moi, je crois, je ne faisais rien : je profitais des quelques sous que mes parents divorcés m'envoyaient de temps en temps en ratant consciencieusement un cursus qulconque, peut-être la psychologie. Ce soir-là, affalés l'un contre l'autre dans un canapé, elle révisait ses notes de cours, pendant que je me perdais dans un bouquin ou l'autre. Entre deux chapitres, je cédai à la tentation et jetai un oeil sur la feuille qu'elle annotait, faisant ainsi mon premier pas vers un savoir que l'Homme ne devrait pas connaître.



"C'est quoi comme virus?
- C'est pas un virus, c'est un protozoaire : Toxoplasma Gondii, me répondit-elle d'un air distrait.
- Toxoplasma, comme la toxoplasmose?
- Hmm-hmm. C'est lui qui te la file.
- C'est surtout les chats qui l'attrapent, non?
- Huh-huh. je cite : "le parasite infecte surtout les mammifères à sang chaud, mais son hôte définitif est le félidé." Rassure-toi, les humains ne sentent rien, sauf dans certains cas particuliers.
- On est porteurs sains, alors?
- Encore heureux, parce qu'une personne sur deux est infectée."

Une personne sur deux est infectée. J'allais oublier ses mots pendant quelques mois de répit, mais ils reviendraient me hanter pendant longtemps.

Ca faisait presque une année entière que Carole et moi avions fait bande à part. Je travaillais à l'époque dans une petite imprimerie, mais j'avais gardé quelques contacts avec le monde universitaire : parmi les deux, trois personnes que j'avais connues durant mon court temps en fac de psycho, j'avais gardé un ami. Patrick, qui à ce moment travaillait comme assistant de laboratoire pour un bureau d'études en neuromarketing, venait de rompre avec sa compagne de longue date, et nous buvions un verre en discutant de tout, sauf d'elle. C'est cette soirée-là que Toxoplasma Gondii revint me hanter, pour ne plus me quitter.

Je venais de mettre en doute la toute puissance des statistiques quand il me rétorqua distraitement : "Ecoute, je veux bien croire que la masse dissout les expériences personnelles, mais c'est pas ça qu'on étudie. Ce qu'on veut, c'est trouver les plus petits communs dénominateurs, les trucs qui font marcher le plus de gens possibles. Et pour ça, un protocole bien foutu et une étude de masse, c'est encore le meilleur moyen de taper juste.
- D'accord, d'accord, rétorquai-je, mais ça manque de subtilité, non? C'est flinguer une souris avec un fusil-mitrailleur, ton truc.
- Ca dépend. Parfois, tu tombes sur de ces trucs. Tiens, c'est marrant que tu parles de souris : on fait des recherches sur les changements de comportement liés aux maladies physiques. Tu savais que les souris qui choppent la toxoplasmose n'ont plus peur des chats?
- Pardon?
-Ouais! D'habitude, les souris fuient l'odeur d'urine de chat, mais les souris infectées n'y font plus attention. Plus fort : elles adoptent bien plus souvent des comportements à risque. On les retrouve plus souvent dans les pièges, coincées dans un trou, tout ça. Ca doit être un moyen pour le parasite d'arriver à son but : les intestins d'un gros matou."

L'idée qu'un parasite se serve des souris comme une voiture volée pour arriver à la terre promise m'était déjà dérangeante. Mais ce n'était rien comparé à ce qui m'attendait.

7 commentaires:

David in Setouchi a dit…

Je sens que tu vas nous parler de zombies très bientôt... (retient son souffle)

Le Responsable a dit…

Mouhahahaha.

/lisse sa barbichette.

Raf a dit…

Je suis infecté!!! J'aime les chats et leur faire des câlins. Je suis sur que c'est à cause de Toxoplasma Gondii qui modifie mon comportement face à des bestioles qui sinon n'ont rien de plus que mon facteur (pour lequel je n'éprouve aucune attirance particulière, sauf quand il met sa petite culotte moulante avec un cul de chevreuil dessiné, mais c'est différent)

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

Bah.

J'ai eu beau manger à même leurs gamelles, dormir avec, exploser leurs puces, nettoyer leurs vomis, bouffer leurs poils, subir leurs caractères et finalement opter par amour pour l'acupuncture par griffes durant près de 27 années... je n'ai JAMAIS réussit à la chopper cette foutue maladie. Et que ce soit un protozoaire n'y change rien.

Donc je suis sure que c'est encore un complot pour faire penser que je suis un mauvais vecteur à félins.

David in Setouchi a dit…

Si c'était qu'une faute d'accord... ;-)
Il est question que les humains soient des porteurs sains, donc si tu n'as pas été testée, tu n'as aucune idée de si oui ou non tu l'as chopé la bactérie.